La nuit ne faisait que de tomber. Encore, et encore, et encore, comme si elle n’arrivait jamais vraiment à englober le jour. La vérité, c’était que ça avait un côté rassurant. Il ne faisait pas totalement nuit noire, et pourtant les gens commençaient à rentrer chez eux, bien tranquillement. A cette heure là, se balader dans la rue avait vraiment quelque chose de magique. Regarder le lac Michigan scintiller de mille feu, voir le ciel s’assombrir petit à petit, sentir l’air devenir plus doux, frissonner en sentant l’air pur, soupirer en entendant le silence…
« EH ATTENDS ! TU VAS PAS T’EN TIRER COMME ÇA ! »
La brune brisa toute cette sérénité en boulet de canon. Elle était habillée très classe, comme la jeune femme quelques pas devant elle. Cette dernière se retourna, un peu étonnée, et l’attendit.
« Mais t’es malade ? C’est un tueur, Shay, un TUEUR ! »
Un petit soupir précéda un sourire désabusé de la dénommée Shay.
« Je vois pas en quoi ça pose un problème. On sera averti de tous ses faits et gestes. Il ne butera pas un gamin, pas tant qu’on est là. »
« Et si, justement on est pas là ? Et si il profite de cette période d’essai pour qu’on lui accorde sa confiance et qu’après il en tue un ? »
Un rire nerveux franchi les lèvres rouges carmin de Shahineze.
« Tu crois vraiment qu’il perdrait son temps a devenir prof juste pour tuer ? Il pourrait le faire tellement plus rapidement et ne se ferait pas soupçonner. Tu sais, c’est utile, d’avoir un prof tueur, pour la pratique, pour la technique et la sécurité. »
La brune la fixa douloureusement.
« Qu’est-ce que t’en sais ? »
« Je le sais, c’est tout. »
Et elle lui tourna le dos et continua son chemin, comme si ça réglait la question.


Quelques mois plus tard, la directrice de SOH triait ses dossiers. Elle s’interrompit brutalement, poussa un soupir, et prit un autre dossier. Ça y est ; le délai de la période d’essai de mr Hyde était écoulé. Shahineze savait que sa co-directrice était toujours sceptique, et quelque part, elle l’était aussi ; mais il fallait bien avouer qu’avoir un tueur de son côté avait des avantages. Au moment où elle allait se lever, des coups retentirent à la porte, déjà ouverte, et un homme entra en trombe.
« Je ne veux pas laisser ce boulot. »
La directrice se recala dans son fauteuil et dévisagea Carl avec un visage dénué de toute expression.
« Pile à l’heure ! J’allais justement vous chercher. »
Elle désigna un fauteuil du menton, pour qu’il s’asseye. Pour elle, la réponse était claire : oui, elle voulait un enseignant dans son genre dans l’école. Cependant elle ne faisait pas la part des choses et elle avait fait passer un entretien à tous les membres de l’établissement ; ce n’était pas pour négliger l’un des plus mystérieux et dangereux. Aussi elle resta impassible et le regarda droit dans les yeux.
« Vous vous plaisez donc tant que ça, en professeur ? »

Alors me voilà, dans ce bureau. Nerveux comme je ne l’ai jamais été. Et tout cela pour quoi? Un poste d’enseignant. Cet emploi. Au cours des quelques mois que j’ai passé ici à enseigner ce que je sais le mieux faire, je m’y suis attaché. Tellement que je suis incapable de m’en passer. J’ai mes classes, j’ai mes spécialités, des élèves qui comptent sur moi lorsqu’ils ont besoins d’aide sur certains points. Jamais je ne me suis imaginé devenir aussi attaché à ce boulot et à tout ce qui l’entoure; ses étudiant, mes collègues. Lorsque mes élèves franchissent la porte de ma classe ils s’attendent à aborder plusieurs sujets, sans savoir réellement lequel. Réellement intéressé par ce que j’enseigne, j’ai commencé à établir un véritable plan de cours, pour ce que je devais aborder avec les nouveaux étudiants, et avec les plus anciens avec davantage d’expérience. En gros, j’essais de leur faire comprendre la façon de penser d’un criminel. Un cours davantage théorique, mais qui semble en intéresser plus d’un. Ce qu’ils ignorent, c’est qu’ils ont un véritable criminel pour leur enseigner à comprendre et ainsi les déjouer. J’ai vécu durant plus de vingt ans dans un milieu totalement basé sur le crime. Je le connais mieux que personne. Dans ce cours nous débâtons et nous discutons. C’est franchement animé! J’enseigne également diverses choses, au niveau des armes notamment. Mon but n’est pas de leurs apprendre à tuer quelqu’un, bien au contraire. Plutôt d’apprendre à neutraliser un ennemi sans le tuer mais sans avoir peur de diverses représailles. Et bien plus encore, tous basé sur mon passé, sur ce que j’ai appris en tant que meurtrier. Ce que je fais ici puisque j’ai été un tueur? Je ne saurais répondre. Mais je sais toutefois que la directrice n’ignore pas mon passé. Pourquoi m’avoir laissé une chance dans ce cas? J’ignore également la réponse… Mais j’ai bien peur d’avoir à partir. Qui donc de sain d’esprit garderait un tueur auprès d’étudiants.

« Vous vous plaisez donc tant que ça, en professeur ? »

Je suis silencieux. Non pas que je ne veux pas répondre. Je connais déjà la réponse et je dois avouer qu’elle me rend perplexe et surpris. Oui, oui je me plais en tant que professeur. Sauf que jamais je n’avais imaginé que ce serait le cas. Je reste un homme impulsif, un homme colérique. Toutefois je n’ai jamais fait le moindre mal à des gamins. Bon, ce sont des adultes, mais pour moi, ce sont tous de véritables mômes. Lorsque je suis devant une classe, je suis à l’aise, je ne l’ai jamais autant été. Ici je suis nerveux, peu bavard. Lorsque j’enseigne, c’est une véritable transformation. Elle a certainement dû s’en rendre compte par elle-même.

« Si vous vous demandez si je me plais assez pour ne tuer personne. La réponse est oui. » dis-je d’un ton catégorique et avec une certaine froideur, comme toujours. Je suis un être fondamentalement taciturne, mais qui change graduellement au contact de gens … bons. C’est le terme approprié. Je côtois des gens qui veulent sauver le monde, alors que moi j’ai contribué à le rendre plus sombre… Je baisse la tête et je fixe mes mains. Je ne parle que très peu de moi. Mais aujourd’hui, je serais près à me battre pour conserver ce job.

« Je ne crois pas pouvoir acheter une entrée pour le Paradis. Je ne vous fais pas de promesse sur le fait que je ne tuerais plus jamais. Mais je n’ai nullement l’intention de vous causer du tord, que ce soit à vous et à votre école. Alors oui, j’aime enseigner. » dis-je finalement. J’étais nerveux et mal à l’aise. Pour la première fois de ma vie j’avais un boulot normal … enfin, si vous trouvez que c’est normal d’enseigner à des apprentis super-héros.

Je ne sais pas si elle sait à quel point que côtoyer tous ses étudiants me fais un bien énorme. Tuer, je l’ai toujours fais machinalement, simplement parce que c’est ce que je sais le mieux faire. Ce sortir de ce genre de cercle vicieux n’est pas toujours évident. Shahineze savait pour mon passé. Sauf qu’elle ne savait pas tout, et je ne comptais pas lui en raconter davantage. La prison était certainement ce qui m’effrayait le plus. Je préfère encore mourir que d’être enfermé. Qu’on me fasse subir ce que j’ai fais aux autres, je n’ai torturé personne, alors voilà. Je m’éloigne. Aujourd’hui je suis dans le bureau de la directrice et je dois la convaincre de me laisser le poste. À moi, un tueur. Elle était impassible et je ne pouvais pas savoir ce qu’elle pensait simplement en la regardant. Je n’avais surtout pas la faculté de pouvoir lire dans les pensées…Et si elle pouvait lire dans les miennes, elle pouvait voir que j’étais sincère.

« J’enseigne aux étudiants à se défendre contre des ordures comme moi, alors ils pourront vite me neutraliser si il y a un problème. » dis-je sur un ton légèrement moqueur. Je blaguais et pourtant ce n’était pas si loin de la vérité. Je ne causerais aucun problème toutefois. J’étais encore capable de ne pas tuer n’importe qui.

Au cours de sa vie Shahineze avait appris a observer. Elle trouvait d’abord que cela manquait à certains élèves, ils ne savaient pas observer, eux, ils voulaient apprendre, et agir. C’était chiant, c’était long, ça demandait une certaine concentration et une grand patience. Mais lorsqu’on avait l’habitude d’observer, tout semblait plus simple, plus clair et plus compréhensible.
Mais là, non, elle ne comprenait pas. Elle voyait que Carl Hyde faisait des efforts pour rester…calme ? Détendu ? Non, pas vraiment. Il n’avait pas l’air énervé ; plutôt soucieux, et nerveux. Et la raison de son agitation, aussi peu visible soit-elle, était totalement inconnue de la directrice. Elle se rendit compte alors qu’ils en étaient au même niveau : elle ne savait pas ce qu’il y avait dans sa tête, et lui non plus. Il lui avait toujours semblé indéchiffrable, comme si une carapace l’entourait, et le protégeait de n’importe quel coup. Il n’y avait pas de discussion sur ce point : Hyde était une personne redoutablement secrète. Avec recul, Shahineze se disait que c’était presque un miracle qu’elle sache qu’il était tueur. Et pourtant ses cours semblaient être intéressants. Au moins, il savait ce qu’il disait, surement pour l’avoir vécu. Et ses élèves ne semblaient pas mécontents de ses cours, bien que la plupart soient désintéressés par la théorie.
Elle avala sa salive tandis qu’il restait silencieux, se demandant ce qui pouvait bien se passer dans sa tête a cet instant pour qu’il reste ainsi sans répondre ; quand enfin il prit la parole.
« Si vous vous demandez si je me plais assez pour ne tuer personne. La réponse est oui. »
Elle fut un peu surprise par la froideur de sa voix. Non, ce n’était pas ça qu’elle demandait. Elle voulait savoir ce qu’il y avait dans sa tête pour savoir s’il souhaitait réellement rester ou pas.
« Ce n’était pas ça, ma question. »
« Je ne crois pas pouvoir acheter une entrée pour le Paradis. Je ne vous fais pas de promesse sur le fait que je ne tuerais plus jamais. Mais je n’ai nullement l’intention de vous causer du tord, que ce soit à vous et à votre école. Alors oui, j’aime enseigner. »
Elle fut secouée par un petit rire.
« Vous savez, ce que vous faites de votre vie en dehors de l’école ne me regarde pas, j’en ai conscience. Mais, en effet, je ne pense pas que j’apprécierais d’apprendre que vous avez séché un cour pour vous occuper de votre autre…métier, et si un élève en venait à perdre subitement un proche dans des circonstances louches, vous me verrez obligée de vous suspecter et de vous interroger. Ne le prenez pas mal, mais ça sera par pure sécurité. Bien évidemment, en échange, personne ne saura que vous êtes – ou étiez – un tueur. »
Elle l’avait regardé dans les yeux tout au long de sa tirade, essayant de déchiffrer enfin ce visage impassible qui lui faisait face. C’était étrange ; ils étaient du même côté, ils étaient semblables sur de nombreux points et pourtant… Peut-être était-ce à cause de Yelena, mais Shahineze restait méfiante, tout comme la russe, tout comme envers elle.
« J’enseigne aux étudiants à se défendre contre des ordures comme moi, alors ils pourront vite me neutraliser si il y a un problème. »
Son ironie fit sourire la directrice. Elle ne savait rien de la façon dont travaillait Carl avant de devenir professeur, mais en tout cas en tant que prof son travail semblait satisfaisant.
« Donc, vous pensez que je vous garderais parce que si jamais vous vous mettez a délirer, nos propres élèves pourront mettre leurs vies en danger sans hésiter pour vous neutraliser ? »
C’était un test. Parce qu’il était bien beau de vouloir enseigner, mais dans cette école il fallait aussi être capable d’assurer la protection des élèves. C’était une question de vie ou de mort. Certains, a la venue de leurs pouvoirs, pétaient carrément les plombs, Shay avait déjà vu ça de ses propres yeux lorsqu’elle était plus jeune. D’autres voulaient jouer les héros trop tôt, sans être prêts, et fonçaient en se croyant invincibles. Et tout le monde était concerné par ce problème.

Me sentir coincé. Jamais une telle chose ne m’est arrivée. Je me retrouve, pour la première fois de ma vie, sans le contrôle sur les évènements. J’ai vécu dans un milieu que je pouvais gérer à la limite de mon arme. Je suis un excellent tueur. Précis, minutieux et expert. Je ne vise pas sans savoir précisément l’endroit que ma balle va atteindre et je n’ai jamais tué (ou presque pas) sans connaître parfaitement ma victime. J’ai tué des voleurs, j’ai tué des violeurs et d’autres tueurs. Je n’ai jamais eu le moindre intérêt à faire exploser la cervelle d’une personne que j’ai croisé dans une ruelle… J’ai commis des erreurs. J’ai toujours été prêt à les assumer. Mon impulsivité s’arrête avant l’arme. Je veux dire par là que je ne tue pas pour un désaccord. Mais que personne n’a jamais osé être en désaccord avec moi dans le passé. Être un tueur est un étrangle cercle vicieux. Aujourd’hui, j’en suis sorti, et c’est d’une autre façon que Shahineze tient une arme sur ma tempe. Je ne suis absolument pas au courant de son intérêt à vouloir me garder ici. J’ai surtout l’impression qu’elle n’est pas à l’aise avec l’idée d’avoir un tueur dans son établissement. Qui le serait? Je ne suis pas un monstre, mais j’ai effectivement commis des choses horribles.

« Vous savez, ce que vous faites de votre vie en dehors de l’école ne me regarde pas, j’en ai conscience. Mais, en effet, je ne pense pas que j’apprécierais d’apprendre que vous avez séché un cour pour vous occuper de votre autre…métier, et si un élève en venait à perdre subitement un proche dans des circonstances louches, vous me verrez obligée de vous suspecter et de vous interroger. Ne le prenez pas mal, mais ça sera par pure sécurité. Bien évidemment, en échange, personne ne saura que vous êtes – ou étiez – un tueur. »

J’hoche doucement la tête. Sa sincérité et son attitude me plaît. Elle ne passe pas par quatre chemins pour me dire qu’elle se fiche de ce que je fais. Du moins que cela s’arrête lorsque c’est une nuisance pour l’école.

« Lorsque j’ai dis que je ne pouvais pas promettre de ne jamais tuer de nouveau… Ce n’était pas en acceptant un contrat. J’étais un tueur, et cela me collera à la peau jusqu’à la fin de mes jours. Mais si nous parlons « emploi ». Je n’en suis plus un. Je ne suis pas un justicier comme vous l’êtes certainement et comme le deviendrons vos étudiants. Mais lorsque j’ai un boulot, je le fais correctement, que ce soit le meurtre, ou bien éviter de perdre un élève… Je sais tuer, mais je sais également comment éviter que quelqu’un ne soit tué. Les élèves en l’occurrence. » dis-je en essayant de bien mesurer chacune de mes paroles. Je suis impulsif davantage dans ce que je dis que dans mes gestes. Au niveau d’une classe, cela me réussis assez bien. Mais lors d’un entretient avec une femme qui a en quelque sorte mon avenir entre les mains, j’ai bien peur de dire des choses déplaisantes. Je ne crois pas m’en sortir trop mal jusqu’à présent.

« Donc, vous pensez que je vous garderais parce que si jamais vous vous mettez a délirer, nos propres élèves pourront mettre leurs vies en danger sans hésiter pour vous neutraliser ? »

Je fronce les sourcils.

« Vous pensez que je suis malade? » demandais-je sèchement.

« Je ne laisserai personne me neutraliser. Mais personne ici n’aura à le faire. » dis-je finalement. Je n’étais pas vexé. Enfin ce n’était pas le mot. Je suis un homme fondamentalement sérieux qui ne sait pas trop comment gérer les relations humaines… Je suis une sorte d’extra-terrestre qui a évité de rendre des comptes aux autres durant plus de vingt ans. Je ne sais simplement pas comment tout gérer. Avant, je n’avais pas à le faire.

« Je crois … que ses jeunes comptent sur moi d’une certaine façon. Je vous donnerai ma démission si un jour je crois être un homme dangereux pour eux. » ajoutais-je sincère. Je le suis toujours, c’est pourquoi j’évite de trop parler habituellement. Je n’ai jamais eu la faculté de mentir. Lorsqu’on est craint, pourquoi aurais-je eu à mentir?

« Pourquoi m’avoir laissé une chance alors que vous savez à propos de moi? » demandais-je d’une voix basse.

C’était quelque chose qui m’intriguais énormément. Pourquoi prendre le risque? Prendre le risque que quelqu’un soit tué? Prendre le risque que je sois un parfait malade mental venu pour tout détruire ce qu’elle a construit? Je ne suis pas ça. Peut-être le sait-t-elle? Je ne connais pas le pouvoir de cette femme après tout …

c'est nuuul XD

Petit à petit, Shahineze se demandait si elle n’allait pas trop loin. Carl commençait à s’énerver un peu, ce qui était compréhensible étant donné la façon dont elle prétendait percevoir ses phrases. Elle savait que c’était dangereux, mais elle savait aussi que s’il la tuait, là, sur un coup de colère, il n’aurait aucune chance de devenir un jour prof ici ; ce qui était logique, même si l’idée de mourir sur un coup de colère de Hyde ne semblait pour le moment pas très probable. Elle savait aussi que si un jour quelqu’un apprenait le secret du professeur, l’école en pâtirait. C’est ce qui effrayait le plus la directrice. Car l’homme qui lui faisait face avait fait ses preuves en tant que prof. Peut-être que si les élèves l’appréciait, Shadows of Hope avait une chance d’être sauvé au cas où la vérité serait dévoilée ; cependant jamais personne ne demande à un professeur de faire ami-ami avec les élèves, tout simplement parce qu’en général ça ne marche pas, et en plus ils ne sont pas payés pour ça.
Sa tirade quand a son ancien métier la rassura. Au moins, il avait bien compris, tout était clair, il n’y avait pas de mésentente sur ce point, elle ne risquait pas d’avoir des surprises, du moins elle l’espérait. Elle se contenta d’acquiescer, en gardant son sérieux, comme à son habitude et en attendant la suite. La deuxième partie fut en effet plus délicate ; elle avait voulu le toucher et avait réussi. Elle le vit froncer les sourcils et devenir plus sec et plus tendu.
« Vous pensez que je suis malade ? Je ne laisserai personne me neutraliser. Mais personne ici n’aura à le faire.»
Sa deuxième phrase avait un peu inquiété Shahineze, mais la seconde montrait à quel point il avait confiance en ce qu’il faisait, et en lui ; il n’avait pas peur de lui, pas peur de perdre le contrôle, et là encore, il marquait un point.
« Je crois … que ces jeunes comptent sur moi d’une certaine façon. Je vous donnerai ma démission si un jour je crois être un homme dangereux pour eux. »
Elle hocha de nouveau la tête, et reprit d’une voix plus douce, afin de montrer qu’elle avait compris et qu’il n’avait pas de quoi s’énerver.
« Je vois. Je ne peux que vous croire sur parole, je ne connais pas vos limites ni se qui se passe quand vous les outrepassez. Mais vous avez fait un travail assez satisfaisant, dans l’ensemble, pour le moment.»
Il semblait sincère, et Shahineze devait bien admettre qu’ils n’avaient pas vraiment le choix. S’il partait en cours d’année, les élèves seraient pour la plupart perdus par ce changement de prof ; si ils réussissaient a en trouver un autre. Parce qu’il était assez difficile de trouver du jour au lendemain un prof de défense théorique, étant donné que seule cette école offrait ce poste et cette matière.
« Pourquoi m’avoir laissé une chance alors que vous savez à propos de moi? »
« parce que, c’est tout » ; aurait-elle pu répondre, comme elle l’avait fait à Yelena quelques semaines plus tôt. Mais elle avait en face d’elle un homme qui avait un lourd passé, qui ne posait pas souvent des questions. Et puis, il n’était pas Yelena. Il posait cette question comme ça, peut-être en sachant que si ç’aurait été un autre tueur, tout ne se serait pas déroulé de la même manière.
« Je pense que chacun a le droit à une seconde chance. Et puis, vous vous souvenez du jour où vous êtes entré pour la première fois dans ce bureau ? Nous n’avions rien demandé à l’élève qui a voulu intervenir dans cette espèce d’histoire de viol ; mais sans vous, il n’aurait probablement eu aucune chance, et nous aurions pu être mis en procès par la famille. A partir de ce jour, nous avions une dette contre vous. Quand vous vous êtes présenté ici, en chair et en os, et malgré votre ancien métier, j’ai su que vous aviez des compétences, et que vous n’étiez pas une occasion à laisser passer. Et puis, vous avez raison : qui peut mieux enseigner comment se protéger d’un tueur ? Un tueur lui-même ou un ignorant ? Mais je pourrais vous retourner la question : pourquoi avoir voulu devenir prof malgré votre passé ? »

Je n’ai jamais été un fin analyste. Disons que j’ai tendance à agir avant de penser. Mon impulsivité me joue souvent des tours. Mais entre l’impulsivité d’un enseignant et celle d’un homme qui doit tuer, il y a une énorme différence. Il y a longtemps que je ne veux plus tuer. En fait, je n’ai jamais voulu devenir tueur. Gosse j’avais d’autres ambitions vous pouvez me croire. La vie forge, la vie détruit. Je mérite très certainement mon malheur. Mais puisque je n’ai ni l’intention de mourir, ni d’aller en prison, je crois encore pouvoir décider de mes actions. C’est le cas, puisque depuis plus d’un mois maintenant que je suis dans une autre ville, avec une autre vie; celle d’un enseignant dans une école étrange à apprendre à des jeunes à devenir des super-héros. C’est assez … ironique n’est-ce pas? Je ne crois pas pouvoir leurs apprendre à être de meilleures personnes, qui suis-je pour cela? Non, mais je peux certainement leurs montrer à se défendre contre des personnes comme moi.

« Je vois. Je ne peux que vous croire sur parole, je ne connais pas vos limites ni se qui se passe quand vous les outrepassez. Mais vous avez fait un travail assez satisfaisant, dans l’ensemble, pour le moment.»

J’hoche doucement la tête. Je ne vois rien à ajouter. Je connais sommairement mes limites. Mais je sais quels genres de personnes me font les dépasser. Et je puis vous assurer que quelques gosses turbulents ne me feront pas sortir les armes… J’avais ensuite demandé pourquoi? Pourquoi puisqu’elle avait tout de suite vu clair dans mon jeu. Elle est bien la seule d’ailleurs à s’être rendue compte que je dissimulais quelque chose d’assez important pour qu’il vaille la peine de me faire cracher le morceau. J’ai en face de moi une femme intelligente qui n’acceptera aucune réponse incomplète, encore moins les mensonges. Je respecte cela. Je suis pareil. Elle semble le comprendre, puisqu’elle me répond sincèrement et de façon détaillé. J’ai un peu plus de difficulté à en faire autant, mais par respect je compte bien faire un effort. J’écoute et j’assimile sa réponse. Il est vrai que je crois avoir quelque chose à enseigner. Mais je ne crois certainement pas être le meilleur. J’ai été un bon tueur, précis et soucieux. J’aimerais être un aussi bon enseignant.

« Pourquoi avoir voulu devenir prof malgré votre passé ? »

Je suis silencieux un moment. Ce n’est pas que je ne veux pas répondre. C’est uniquement que je ne connais pas la réponse moi-même. Il y a bien des choses qui me poussent à changer de vie. Mais pourquoi ce boulot en particulier? Moi qui ne suis pas très à l’aise avec les gens. Pourquoi suis-je venu jusqu’ici? Tout en sachant que je ne serais peut-être pas capable de gérer une classe? Il s’est avéré que j’en suis capable et que j’aime. Mais au départ, je ne savais pas. Je ne suis pas là pour aller au paradis, je ne suis pas là pour me faire pardonner. Alors qu’elle est la réponse à cette question?

« Je ne veux pas laisser mon passé me diriger. Lorsque j’ai aidé ce gamin à sauver la fille de ce viol, ce n’était pas différent que de commettre un meurtre pour moi. Je l’ai fais avec le même automatisme et intérêt que lorsque j’ai appuyé sur des gâchettes. Mais ce que j’ai vu dans le regard de ce jeune homme a éveillé quelque chose en moi. Sauf … que je ne pourrais pas vous dire ce que c’est. Et c’est probablement pourquoi j’ai été attiré par cette école. Peut-être pour comprendre. »

Je marquais une pause, je venais de me répondre à moi-même autant qu’à elle. J’eu un mince sourire et j’ajoutais.

« J’en conclus que vous me gardez? Je ne suis pas ici pour vous causez d’ennuis, je suis là parce que je n’ai pas envi de me servir de mon arme et que ses jeunes doivent vraiment savoir se défendre contre des hommes comme moi. » terminais-je plus sérieusement. Je songeais au gamin que j’avais aidé. Il n’aurait eu aucune chance. En plus d’avoir l’air d’un imbécile, la cape autour du cou n’étant vraiment pas l’idée du siècle, ses techniques demandaient beaucoup d’amélioration. Mais il partait tout de même d’une bonne intention et peu de gens se seraient jeté aussi aveuglement vers le danger. Au fond … j’admirais assez les intentions de cette école. Toutefois, je ne sais pas s’ils ont vraiment une chance de devenir des super-héros. La vie est difficile après tout…

Il écoute. Il la regarde, et il l’écoute. Shahineze sent qu’il a conscience que c’est dans cet entretien que tout se joue, il sait depuis qu’il est ici qu’au bout de sa période d’essai, il ne lui suffira pas juste de dire « je reste », ou « je pars ». S’il avait choisit la voie du départ, oui, ça se serait passé comme ça. « Merci Mr Hyde d’avoir enseigné a des élèves pendant tout le temps que vous avez passé ici, au plaisir de vous revoir, etc. » Même si le revoir n’aurait pas forcément été de bon augure. Mais peu importe, puisqu’il souhaitait rester.
Il était vrai qu’elle avait eu l’idée de le garder dès que les jours restants de sa période d’essai se comptaient sur les doigts de la main. Et pourtant il fallait parler, encore et toujours. Parler. Elle Shahineze Brocklehurst savait parler. Elle avait appris que la théorie était aussi importante que la pratique a ses dépends, et si elle était arrivée jusqu'à là, ce n’était pas pour rien. Elle se souvenait de toutes les paroles qu’elle avait du prononcer pour devenir ministre des héros, de ses dernières paroles en tant que ministre et de ses premières paroles en tant que directrice. Oh, oui, elle avait l’habitude de parler. Mais la conversation ici avait un arrière-goût personnel, ce qui, d’habitude, l’aurait dérangé. Mais elle devait bien s’admettre que c’était la seule façon de deviner réellement les intentions de Carl Hyde.
« Je ne veux pas laisser mon passé me diriger. Lorsque j’ai aidé ce gamin à sauver la fille de ce viol, ce n’était pas différent que de commettre un meurtre pour moi. Je l’ai fais avec le même automatisme et intérêt que lorsque j’ai appuyé sur des gâchettes. Mais ce que j’ai vu dans le regard de ce jeune homme a éveillé quelque chose en moi. Sauf … que je ne pourrais pas vous dire ce que c’est. Et c’est probablement pourquoi j’ai été attiré par cette école. Peut-être pour comprendre. »
Elle hocha la tête doucement, en réfléchissant a ses paroles. C’était de l’instinct, pur et brut. Il y avait dans cet instinct quelque chose qui aurait pu effrayer Shahineze. Cependant, elle savait qu’il fallait parfois prendre des risques, et elle était prête a le prendre maintenant. Elle non plus, ne savait pas pourquoi elle lui faisait confiance. C’était par instinct qu’elle l’avait interrogé, c’était par instinct quelle l’avait soupçonné d’un passé sombre et c’est en révélant cet instinct qu’elle avait appris le passé de Carl. Elle était presque certaine qu’il lui disait la vérité. En se mettant à sa place, elle se disait qu’il n’avait aucune raison de lui mentir, de lui cacher des choses et, par ailleurs, il avait toujours été franc avec elle. Il aurait pu la détromper, lui dire qu’il avait tué, une fois, un homme sous le coup de la colère. Mais non. Il lui avait clairement dit. Tous les deux avaient joué franc jeu : pas de détours de quinze kilomètres ; ils allaient droit au but.
« J’en conclus que vous me gardez? Je ne suis pas ici pour vous causez d’ennuis, je suis là parce que je n’ai pas envie de me servir de mon arme et que ses jeunes doivent vraiment savoir se défendre contre des hommes comme moi. »
Elle resta songeuse un instant, se demandant s’il avait su dès le départ qu’elle souhaitait le garder, et si il n’avait pas parlé juste pour la rassurer. Un sourire se dessina sur ses lèvres.
« En effet. Vous m’avez l’air honnête, Mr Hyde. Je prends le risque de vous faire confiance. Sachez que si jamais vous trahissez cette confiance, vous en pâtirez énormément. »
A vrai dire, elle ne pensait pas trop l’effrayer en lui disant cela. Elle savait surtout ce que elle, elle risquait, si un des élèves ou un enseignant mourrait. Mais si elle en était arrivée là, ce n’était par pur hasard. Elle avait la puissance et le pouvoir de mettre une personne hors d’état de nuire, tout tueur soit-il.
« Mais avant de devenir vraiment un prof, vous devez passer votre examen final. Dans trois jours. La salle de simulation. Vous choisirez votre programme et vous me montrerez ce que vos élèves ont appris grâce a votre théorie. »